Dimanche 07 mars 2021
Université Lille 2
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Pr. Eric KIPNIS
Faculté de Médecine Pôle Recherche Tél. : +33 (0)3 20 62 34 23 Fax : +33 (0) OngletsDiscipline(s) d'activitéMaladies Infectieuses Principaux axes de rechercheVirulence de Pseudomonas aeruginosa et mécanismes de réponse de l’hôte
Axes de recherche
Mots-clésPseudomonas aeruginosa, facteurs de virulence, PscI, Nod Like Receptors, Toll Like Receptors, kynurénine, système de sécrétion de type III, microbiote, immunité muqueuse KeywordsPseudomonas aeruginosa, virulence factors, PscI, Nod Like Receptors, Toll Like Receptors, kynurenin, Type III secretion system, microbiota, mucosal immunity Résumé du programme pour la période 2010-2013
Résumé du programme pour la période 2014-2017Pseudomonas aeruginosa est un bacille à Gram négatif ubiquitaire de l’environnement. Il possède un métabolisme respiratoire exclusivement oxydatif, utilisant l’O2 et parfois les nitrates comme accepteurs d’électrons en croissance anaérobie. P. aeruginosa est retrouvé dans l’eau, le sol mais également dans les biofilms (Schwarzer C et al, 2012). En pathologie humaine, P. aeruginosa est un pathogène opportuniste, responsable d’infections aiguës et chroniques chez les sujets présentant un déficit de l’immunité innée pulmonaire (telle que la mucoviscidose) (Bajmoczi M et al, 2009) mais aussi d’infections respiratoires aiguës chez les sujets admis dans les unités de réanimation (Hauser AR, 2012). En effet, les pneumopathies acquises sous ventilation mécanique (PAVM) à P. aeruginosa représentent la première cause de pneumonie en réanimation et sont associées à une mortalité importante, cet agent infectieux étant associé au pronostic le plus péjoratif (Chastre et al, 2002).
1) Rôle des kynurénines bactériennes dans l’interaction hôte-P. aeruginosa Le système des kynurénines est la voie majeure de dégradation oxydative du tryptophane puisque chez l’Homme, 99% du tryptophane alimentaire est dégradé en kynurénines (Murakami Y et al, 2013). Étudié chez les eucaryotes depuis plus d’un siècle, ce métabolisme est de découverte récente par des études de génétique comparative chez quelques rares procaryotes dont P. aeruginosa (Kurnasov OO et al, 2003). L’existence de cette voie chez l’homme comme chez le pathogène en fait un support possible d’interactions hôte-pathogènes et certaines études suggèrent que les kynurénines seraient impliquées dans la virulence de P. aeruginosa (Shen DK et al, 2008) constituant possiblement une cible thérapeutique. Chez l’homme, la première étape de cette voie est réalisée par deux enzymes, la tryptophane 2,3 di-oxygénase (TDO), constitutive, présente dans le foie, et l’indoleamine 2,3 di-oxygénase (IDO), inductible au cours de l’inflammation, présente dans de nombreuses cellules (épithéliales, endothéliales, myéloïdes etc). Le tryptophane est alors dégradé par une cascade enzymatique en plusieurs métabolites constituant le groupe des kynurénines (Phillips RS et al, 2011). L’étude de ces molécules, dont l’intérêt portait initialement sur leur rôle tolérogène dans la carcinogénèse, a permis de découvrir chez elles de nombreuses autres fonctions biologiques (Schwartz et al, 2004). Produites en réponse à une inflammation, elles exercent un rôle de régulation visant à maintenir l’homéostasie, et réorientent la réponse cytokinique vers un profil anti-inflammatoire (Mándi Y et al, 2012). Elles possèdent par ailleurs des propriétés immunomodulatrices aboutissant à un état d’immunotolérance dont la voie d’action principale passerait par l’activation du récepteur à l’Aryl-hydrocarbone (AhR) (Optiz CA et al, 2011). En effet, des études récentes ont montré que les kynurénines, ainsi que d’autres catabolites du tryptophane nommés phénazines, s’avèrent être des ligands de ce récepteur cytoplasmique ayant un rôle de facteur de transcription dans de nombreuses cellules du système immunitaire (Moura-Alves P et al, 2014). Les kynurénines induisent l’anergie ou l’apoptose des cellules de la voie Th-1, et inhibent la prolifération des cellules T effectrices (CD8, NKTαβ), des cellules NK, et des lymphocytes B. En revanche, elles favorisent la différenciation des lymphocytes TCD4+ en cellules T régulatrices (Pucchio TD et al, 2010 ; Munn DH et al, 2013). Produites également par les cellules de l’immunité innée comme les macrophages, les polynucléaires neutrophiles (PNN) et les cellules épithéliales, les fonctions des kynurénines sont, dans ce contexte, moins bien connues. A l’instar des cellules T effectrices, Morita et al rapportent un rôle similaire des kynurénines induisant l’apoptose des cellules monocytaires (Morita T et al, 2001). Le rôle des kynurénines de l’hôte sur les pathogènes est mal établi et varie en fonction du pathogène en cause et du caractère aigu ou chronique de l’infection (Jung et al, 2009 ; Murakami Y et al, 2013). Des effets antimicrobiens, antiviraux, antifungiques et antiparasitaires dépendants de l’activation de l’IDO ont été observés et sont principalement attribués à la déplétion du milieu environnant en tryptophane. Cependant, plusieurs études suggèrent que l’activation de cette voie se ferait au profit du pathogène par l’induction d’une immunotolérance avec une diminution du recrutement et de l’activation des cellules effectrices de l’immunité innée et adaptative (Pucchio TD et al, 2010 ; Munn DH et al, 2013).
Figure 1: Voie de synthèse des kynurénines chez l’homme Chez P. aeruginosa, la première enzyme de la voie de synthèse est la Tryptophane 2,3 di-oxygenase, codée par le gène kynA, qui convertit le tryptophane en N-formylkynurénine (Knoten CA et al, 2011). La dernière enzyme de cette voie de synthèse est la Kynuréninase, codée par le gène kynU, dont le rôle est de convertir la kynurénine en anthranilate. P. aeruginosa possède par ailleurs un régulateur transcriptionnel nommé KynR, responsable d’un rétrocontrôle positif du gène kynA en présence de kynurénines. Il serait donc capable de « détecter » les kynurénines, y compris les kynurénines de l’hôte dans son environnement. . Les enzymes bactériennes et humaines partageant les mêmes substrats (Phillips et al, 2011), le système des kynurénines bactériennes pourrait de ce fait constituer un facteur de virulence potentiel, capable d’orienter la réponse immunitaire de l’hôte à son profit. Récemment, il a été montré que la survie de P. aeruginosa mis en présence de polynucléaires neutrophiles (PNN) était augmentée dans un milieu à forte concentration en kynurénines. Ce résultat est expliqué par une diminution significative des capacités de bactéricidie des PNN par les kynurénines qui jouent un rôle de scavenger des espèces réactives de l’oxygène produites par les phagocytes (Genestet et al, 2014). Figure 2: Voie de synthèse des kynurénines chez la bactérie L’objectif de notre projet est donc de préciser le rôle des kynurénines de P. aeruginosa dans un modèle murin d’agression respiratoire aiguë.
2) PscI et activation de l’inflammasome Le SST3, retrouvé chez de nombreux BGN, est une structure supramoléculaire formée de l’assemblage de plusieurs protéines. Il se présente comme une «seringue» composée de 3 éléments: une base transmembranaire avec un «cœur», une partie extra-membranaire «l’aiguille» et un appareil de translocation capable de perméabiliser les cellules de l’hôte (Hauser et al, 2009). Parmi les protéines du SST3, on retrouve PscI au niveau du cœur transmembranaire, PscF qui constitue l’aiguille et PopB et PopD au niveau de l’appareil de translocation (c.f. Figure). Via le SST3, P. aeruginosa «injecte» des exotoxines (Exo S, T, U, Y) dans les cellules mais aussi des protéines constitutives du SST3 (Lefevre et al, 2014). Le SST3 est le seul facteur de virulence de P. aeruginosa pour lequel il a été montré une surmortalité à la fois dans des modèles animaux ( Hauser et al, 2009) et dans des études cliniques (Hauser et al, 2012; Roy Burman et al, 2001). Système de sécrétion de type III : base avec cœur protéinique (PscI); aiguille (PscF) et appareil de translocation (PcrV, PopB et PopD). Sécrétion par le STT3 d’exotoxines (Exo S, T, U, Y).
En dehors de l’injection d’exotoxines, le SST3 semble avoir d’autres rôles et est notamment impliqué dans la réponse immunitaire innée de l’hôte. Il a été montré que le STT3, par le biais des protéines constitutives transloquées dans le cytosol des cellules hôtes, active des récepteurs intracellulaires de l’immunité innée, les Nod-like receptors (NLR). Les NLR reconnaissent des motifs moléculaires associés au pathogène (PAMPs : pathogen associated molecular pattern) ou au danger (DAMPs : danger associated molecular pattern) (Mariathasan et al, 2007). Après activation, les NLR s’assemblent au sein d’un complexe multi-protéique intracellulaire, l’inflammasome. Ce complexe active la caspase 1 en catalysant l’auto-protéolyse de la procaspase 1 en caspase 1 mature (Mariathasan et al, 2007). La caspase 1 mature joue un rôle majeur dans l’initiation de la réponse immune. Elle entraine la production de cytokines pro-inflammatoires matures, IL1β et IL18 (interleukines 1β et 18), en clivant les formes pro-IL1β et pro-IL18 provenant de l’activation du facteur de transcription nuclear factor-kappa B (NFκB) et induit une mort cellulaire inflammatoire: la pyroptose (Lamkanfi et al, 2011). Des modèles in-vitro sur des macrophages murins ont montré que les protéines du cœur et de l’aiguille du STT3 de plusieurs BGN, dont P. aeruginosa, sont reconnues par des NLR murins (Miao et al, 2010; Yang et al, 2013 ; Zhao et al, 2011). Cette reconnaissance entraine notamment la production d’IL1β par les macrophages par activation du complexe NLR-inflammasome. Des modèles in vitro sur des cellules humaines de l’immunité innée ont montré que les protéines de l’aiguille de STT3 sont aussi reconnues par les NLR humains, y compris pour P. aeruginosa (Yang et al, 2013). A l’inverse, une seule étude s’est intéressée aux protéines du cœur; ses résultats suggèrent que PrgJ de Salmonella typhi n’est pas reconnue chez l’homme (Rayamajhi et al, 2013). Aucune donnée n’existe avec P. aeruginosa. L’équipe du laboratoire iRTSV/CEA (Grenoble) a étudié la protéine du cœur du SST3 de P. aeruginosa, PscI, en synthétisant une protéine recombinante. La structure de cette protéine, repliée en 4 hélices α a été prédite à partir d’un modèle bioinformatique. La fonctionnalité de la protéine a été testée sur un modèle murin in vitro et il a été montré que PscI active la sécrétion d’IL1β dans des macrophages murins péritonéaux (Monlezun et al, 2015). Notre laboratoire a reproduit ces résultats, qui sont en faveur d’une reconnaissance de PscI par le complexe NLRC4-inflammasome chez la souris. PscI n’a pas encore été testé chez l’homme. L’objectif de notre projet est de montrer que PscI, protéine du cœur de la base du SST3 de P. aeruginosa, active le complexe NLRC4-inflammasome dans des cellules humaines et joue un rôle dans la virulence de la bactérie.
3) Microbiote digestif et pulmonaire dans l’infection à P. aeruginosa Le microbiote intestinal porte des fonctions physiologiques importantes pour l’homme. Il participe à l’absorbtion des nutriments, à la régulation du stockage des graisses, à promouvoir le renouvellement de l’épithélium intestinal et à la maturation du système immunitaire. Le microbiote est également un régulateur important du système immunitaire dans sa maturation et dans son efficience à éliminer d’éventuels intrus. Le microbiote intestinal par les ligands qu’ils synthétise comme le lipopolysaccharide (LPS), le muramyldipeptide (MDP) ou la flagelline est connu pour solliciter, via des récepteurs de l’immunité innée, des cellules immunes présentes dans la muqueuse. Cette interaction entre microbiote et systèmes immunitaires innées via ces récepteurs promeut la maturation et la différentiation de différentes populations lymphocytaires comme les lymphocytes T CD8+ ou CD4+, les lymphocytes T régulateurs ou les lymphocytes Th17 via l’action de cytokines et chimiokines. Il existe un équilibre dans la réponse apportée par ces différents types de population lymphocytaire afin de préserver l’intégrité de la muqueuse. Plusieurs études ont montré qu’une perturbation du microbiote digestif peut augmenter la susceptibilité de l’hôte à différentes infections intestinales ou extra-intestinales. Chacune des composantes du microbiote semble avoir un rôle spécifique sur la régulation de la réponse inflammatoire et antimicrobienne de la muqueuse intestinale. Des études réalisées sur des bactéries filamenteuses segmentées ont montrées qu’elles étaient associées à un profil inflammatoire Th17 lors de colonisation de souris gnotobiotique. A l’inverse, d’autres bactéries, tel que Faecalibacterium prausnitzii, semblent présenter une action immunorégulatrice en inhibant les voies pro-inflammatoires. Un traitement antibiotique par voie orale peut ainsi induire une perturbation dans la composition du microbiote, dans sa qualité et sa quantité, aboutissant à un défaut de maturation des cellules immunitaire, de production de peptides antimicrobiens et un déséquilibre de la balance Th17/Treg. L’objectif de notre projet est d’évaluer l’impact de la perturbation du microbiote digestif par des traitements antibiotiques sur la réponse à une infection pulmonaire aiguë à Pseudomonas aeruginosa dans un modèle murin. Dans un second temps, nous focaliserons nos recherches sur les interactions qui peuvent exister entre microbiote intestinal et microbiote pulmonaire. |